Samedi
22 Février:
Le
ciel me gratifie depuis hier d'une alternance de nuages et
d'éclaircies, de soleil et de pluie. Ce fut le cas encore cette
nuit, sauf pour le soleil vous vous en doutez, remplacé par la lune,
mais de fréquentes averses sont venues mouiller ma tente qui n'en
avait pas besoin, bref je suis ce matin dans le même état humide
que la veille.
La
toilette est aussi brève qu'hier, un coup de brosse à dents et un
peu d'eau sur le visage.
Le
petit déjeuner est pour le moins frugal, je grignote en effet mes
deux dernières barres céréales, bien sûr mon sac à dos est plus
léger mais j'aimerai bien avoir quelque chose à me mettre sous la
dent avant ce soir, car 25 bornes m'attendent pour parvenir à
Mimizan-Plage.
Cette
matinée débute sous un ciel gris clair par un cheminement à
l'arrière des dunes à travers la lande durant environ 2 km, avant
de rattraper la piste cyclable qui serpente ensuite jusqu'à
Contis-les-Bains à 6 km.
J'y arrive vers 10 h, me dirige vers le
centre du village et les commerces, en suivant la rue qui mène vers
la plage … un désert !
Mon
estomac me conseille de ne pas repartir sans être passé partout, la
rue qui suit la côte, supérette fermée, la place de l'église,
boulangerie fermée, une rue qui remonte vers mon point d'arrivée,
l'enseigne d'un tabac presse est éclairée et en m'approchant je lis
ces mots magiques: «dépôt de pain».
Certains rêvent de gagner au
loto, d'une voiture de luxe, d'un voyage au bout du monde,
l'essentiel de mes désirs en ce moment va être comblé par une
baguette de pain.
D'autant que ce brave commerçant n'a pas que çà
à me proposer, je prends une chocolatine à grignoter de suite, une
boîte de pâté de production locale et 2 canettes de jus d'orange,
elle est pas belle la vie! Il doit même être surpris de voir un client aussi heureux d'avoir trouvé sa boutique.
Comme
j'en ai pris l'habitude hier, en passant par le front de mer je jette
un coup d'œil à l'océan au cas où je pourrai poursuivre par la
côte, ce ne sera pas encore pour cette fois, çà décoiffe.
Retour
vers la sortie du bourg et la piste qui passe devant un joli petit
phare au milieu des pins, ensuite un long chemin en forêt avant de
retrouver la piste cyclable.
Maintenant que je suis ravitaillé je
peux entamer sereinement les 15 km qui me sépare de Mimizan-Plage,
d'autant que le soleil commence à revenir plus généreusement.
J'aime
bien les pistes cyclables, la marche y est plus facile que dans les
sentiers surtout lorsqu'ils sont trop ensablés, le parcours est plus
sinueux que celui de certaines allées parfaitement rectilignes dans
la forêt, et en général on alterne les paysages, de la forêt de
pins à la lande plus sauvage, mélange d'ajoncs, de genêts à
balais et de genévriers.
La
piste cyclable permet aussi de croiser des cyclistes à défaut d'y
trouver des randonneurs absents en cette saison, sauf à l'approche
des quelques localités.
Il y a deux catégories de cyclistes sur les
pistes, les rouleurs, en tenue de coureurs, qui n'ont pas le temps de
vous dire bonjour et les vététistes, randonneurs comme moi, en plus
rapide, qui prennent le temps de vous saluer.
C'est
le cas ce jour là vers midi, alors que je fais une halte au soleil
pour le casse croûte, constitué du délicieux pâté de campagne
étalé sur ma baguette traditionnelle. Un cyclo-randonneur, d'une
trentaine d'années, s'arrête là pour pique-niquer lui aussi, ce
qui nous permet de discuter un bon moment. Il fait juste une virée à
la journée ce samedi, parti de St Julien-en-Born, il est passé
comme moi par Contis, remonte jusqu'à Mimizan-Plage, puis Mimizan et
retour par la petite départementale, 50 bornes environ.
Évidemment
je ne peux m'empêcher de penser à Nils, d'ailleurs il sera au
centre de notre conversation après que j'ai évoqué le choix de ma
randonnée, son odyssée à vélo à travers l'Europe le laisse
rêveur même s'il ne se sent pas prêt à se lancer dans une telle
aventure, mais qui sait, peut être que l'idée va germer et qu'un
jour il enfourchera son vélo pour une longue route. Je lui rappelle
cette parole de Nils: «tout le monde peut le faire», il en convient
mais sent bien que ce genre d'aventure se fait plus avec la tête
qu'avec les jambes.
On
parlera aussi de la météo, de la tempête et des dégâts depuis
plusieurs semaines sur les plages. Et puis, après avoir partagé la
banane constituant son dessert, il est temps de repartir avec chacun
son moyen de locomotion, son vélo pour lui, mes pieds pour moi.
Il
est vrai que je suis parti de bonne heure ce matin, mais je suis
surpris d'être vers 16 h à l'approche de Mimizan-Plage, au passage
près de la plage de Lespécier j'ai jugé inutile de rajouter un
kilomètre pour revoir l'océan.
En
arrivant à la maison forestière de Leslurgues, les promeneurs
deviennent nombreux malgré les quelques courtes averses qui ont
repris.
Plusieurs circuits sont fléchés, traversant un arborétum
et un espace de découverte du gemmage, opération consistant à
blesser le pin pour en récolter la résine.
Je
me rend compte aussi qu'il sera difficile de trouver un coin
tranquille à proximité de Mimizan-Plage pour bivouaquer et ai bien
envie de passer une petite nuit dans un vrai lit... au sec !
Mimizan-Plage,
localité nettement plus importante, sera-t-elle plus vivante ? Pas
vraiment, les premières rues sont désertes.
En passant le pont sur
le courant de Mimizan, l'activité reprend timidement, j'aperçois au
loin un hôtel restaurant pizzeria, que je trouve un peu cher pour le
randonneur que je suis et décide de redescendre vers Mimizan-Ville,
le long de la route doublée de la voie cyclable.
Autant
marcher dans la forêt est agréable, autant longer cette route avec
la circulation incessante est horrible, trop de bruit, trop de
vitesse, je peste régulièrement contre les bagnoles. Un panneau
sur un rond point m'indique qu'il ne me reste que 9280 km pour me
faire dorer sur les plages de Malibu... et Mimizan, c'est encore loin
?
J'aurai
rarement trouvé une route aussi longue, content lorsque je franchis
la pancarte «Mimizan» me croyant au bout de mes peines, je suis à
genoux quand au virage suivant j'aperçois le clocher de l'église au moins 2 bornes plus loin! Parvenu enfin là, je trouve tout de suite une
chambre dans un petit hôtel restaurant bar, ouf!
La chambre est
bien, d'ailleurs n'importe quelle chambre serait parfaite ce soir.
Il
n'est que 18h, je reste allongé un bon moment avant de bouger,
réalisant que j'ai parcouru 30 kilomètres aujourd'hui, puis vient
le moment de pur bonheur de la douche, on y resterait des heures,
j'en profite aussi pour faire une petite lessive.
Avant
de descendre diner, j'étale tout mon équipement dans la chambre, la
tente dégoulinante dans la douche, le matelas au sol, le duvet sur
le deuxième lit, ma lessive sur les dossiers des chaises devant le
radiateur, il y en a partout.
Ce
soir je m'endormirai dans un lit douillet en repensant à cette
journée et cette agréable rencontre, c'est sympa les pistes
cyclables.
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