Vendredi
28 Février.
Cette
journée de repos m'a permis de recharger les batteries avec quelques
heures de vrai sommeil supplémentaires, deux nuits pleines et grasse
matinée, ce matin encore je peux flemmarder dans mon lit, j'ai
préparé mon sac à dos hier soir, départ à 9h30.
Faute
d'avoir pu traverser en bateau, je suis contraint de contourner le
bassin, mon train part vers 10h pour Biganos, à quelques kilomètres
seulement, ½ heure d'attente pour prendre l'autocar Transgironde
jusqu'à Andernos, si j'ai eu droit à une journée bien ensoleillée
hier, c'est bien fini, les premières averses arrivent avant
Andernos. Le terminus de l'autocar se fait juste en face de
l'Intermarché local, disposant de 20 minutes avant de prendre le
suivant j'en profite pour faire l'approvisionnement que je pensais
réaliser au Cap Ferret.
Arès,
Lège, Claouey, Le Piquey, Piraillan, Le Canon, l'autocar fait de
multiples arrêts et ayant mes provisions, je peux descendre au rond
point de l'Herbe un peu avant Cap Ferret.
Juste
quelques gouttes sous le ciel bien gris, un petit kilomètre plus
loin j'arrive au cimetière du Cap Ferret où je veux me recueillir.
Je
ne sais pas où se trouve la tombe de Nils, mais le cimetière est
petit, je prends donc la première allée à gauche, puis la
suivante, dans ce cimetière en pente sur une dune.
J'arrive
enfin sur cette tombe tout en haut du cimetière, je suis ému à la
vue de son nom, je le suis moins sur une tombe qui m'est familière.
Là c'est différent, un peu comme se recueillir sur la tombe d'un
personnage célèbre, grand écrivain, peintre, musicien, aventurier,
quelqu'un qu'on n'a pas rencontré, mais pour lequel on éprouve de
l'admiration, enfin je le ressens ainsi, ce n'est pas un simple
monument. Je ne connaissais pas Nils, ne l'ai jamais approché et là
suis tout proche, avec toutefois une terrible frontière entre nous.
Je
remarque une grappe de raisin, un verre, rappelant sa formation, son
bonnet et bien sûr un petit vélo pour se souvenir à jamais de son
odyssée d'exception, il y a aussi quelques coquillages disposés là...
...j'en rajoute deux, ramassés le premier jour de ma randonnée,
j'avais prévu d'en glaner tout au long de la côte, hélas je n'ai
que peu fréquenté les plages.
Je déposerai aussi un petit bouquet
de fleurs, nous sommes le dernier jour de février, Nils nous a
quitté il y a 6 mois, le dernier jour d'août.
Je
reste un bon moment assis là, à lui «parler», nous avons des
choses en commun et lui qui disait à propos de son aventure «tout
le monde peut le faire», je sais aujourd'hui qu'il a raison, je suis
parti sans être certain d'arriver au bout de ces 400 kilomètres
mais maintenant je me sens capable d'en parcourir 1000 ou 2000 à
pied, il n'y a pas de différence.
Quelles aventures aurait-il connu,
où serait-il parti, c'est terriblement injuste de priver de ses
rêves un garçon qui a tant à faire sur cette terre, quand d'autres
ont des vies futiles, dénuées de sens.
Et
puis il y a la mort et l'énigme qui l'accompagne, celle de l'au delà
et de l'aventure que cela pourrait constituer pour notre esprit. Et
si on pouvait se retrouver et partager...
Je
quitte le cimetière avec le retour de la pluie, pour une fois elle
est de circonstance.
Avant
de rejoindre les pistes cyclables, je vais contempler l'océan qui
gronde tout proche avec un besoin de respirer l'air du large, un
besoin d'immensité et de solitude.
Le
vent souffle si fort qu'avant la dernière dune je laisse mon sac à
dos, qui me déséquilibre, dans le sable et poursuis jusqu'à la
plage où je reste assis là quelques instants, la nature même en
furie est superbe et je ressens ici encore davantage la folie de
l'homme.
Il
me faut reprendre mon chemin, 14 km cet après midi, jusqu'au Grand
Crohot.
Lorsque
j'y parviens j'essaye de trouver un coin à l'abri de la dune, pour
sortir un peu des bivouacs en forêt, mais le vent est toujours aussi
violent et la dune ne suffit pas pour être protégé.
J'aperçois bien un gros blockhaus qui ferait bien mon affaire, hélas il est entouré d'un grillage, son accès est interdit compte tenu de son état de délabrement.
Je trouve donc
refuge sous les tous premiers conifères qui poussent derrière,
leurs branches à ras du sol forment une bonne protection contre le
vent, j'en trouve un relativement touffu et me glisse sous ses
branches pour installer mon campement, la tente dans le sens du vent.
Ce
soir la pluie a cessé et les prévisions météo vont vers une
amélioration de courte durée, de quoi reprendre je l'espère mes
promenades sur le sable. Comme chaque soir je suis couché de bonne
heure, bien fatigué aujourd'hui sans avoir parcouru de nombreux
kilomètres, sans doute du fait du caractère particulier que j'ai
donné à cette journée.
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