Samedi 1 Mars
Si
le vent soufflait en tempête dans la nuit, ce matin c'est calme
plat, presque surprenant, même si je suis à l'arrière des dunes,
donc à l'abri.
Évidemment je vais vers la côte à une centaine de mètres seulement, le vent est vraiment tombé, par contre la houle soulève encore de gros rouleaux qui déferlent sur la plage même à la marée descendante.
L'accès
à la plage n'est pas aisé, la marche est un peu haute pour y
descendre, pas moins de 3 mètres, je ne chercherai pas un autre
endroit plus accessible et utilise la méthode toboggan, me laissant
glisser jusqu'en bas, ce matin je retrouve enfin le littoral.
Je reprends donc ma marche sur le sable, le long de l'océan pas très accueillant.
En fait si l'endroit parait calme, il faut se méfier car il peut devenir dangereux. En effet nous sommes à une période de gros coefficients de marée et la mer monte très haut sur la plage, surtout avec les dernières tempêtes et la houle énorme qui en résulte, de ce fait à marée haute on peut se retrouver pris au piège.
Je suis descendu sur la plage en glissant le long de la dune sur 3 mètres, mais il m'aurait été impossible de remonter au même endroit, la dune est rongée par la mer et bien souvent on longe un véritable mur à la verticale de près de 10 mètres de haut et ceci pendant des centaines de mètres, sans échappatoire.
Heureusement je suis tranquille jusqu'en début d'après midi et sortirai de la plage au Porge-Océan situé à 11 km de là, après avoir longé le village naturiste (en été) de la Jenny, en attendant je poursuis en observant les tableaux abstraits fait par le sable...
... ou encore les mouettes que j'essaie de photographier, ce qui n'est pas très facile, régulièrement je vois un groupe posé près de l'eau à une centaine de mètres, que je tente d'approcher et qui décolle avant que je sois suffisamment près, et recommence un peu plus loin avec le même groupe, sans plus de succès.
Parvenu
au Porge, je quitte le sable pour retrouver la piste cyclable car je
ne suis pas certain de trouver une issue possible avant Lacanau, déjà
la sortie ici n'est pas évidente avec le poids du sac à dos.

Parvenu à une aire de pique-nique à la sortie du Porge, j'en profite pour le casse croûte sur une table avant de reprendre ma vadrouille le long de la piste.
Parvenu à une aire de pique-nique à la sortie du Porge, j'en profite pour le casse croûte sur une table avant de reprendre ma vadrouille le long de la piste.
La
végétation ici est luxuriante, le sous bois est dense, garni de
roseaux, genêts, ajoncs et souvent de mousses particulièrement
attirantes, comme celles qui avaient accueilli mon bivouac il y a
quelques jours, des mousses bien épaisses, jaunes et blanches, sans
les aiguilles de pin qui les parsèment, on se laisserait bien aller
à une petite sieste au soleil sur ce matelas douillet, encore
faudrait-il que le soleil réponde présent à l'appel car, hélas,
il commence à s'éclipser par moment.


Parvenu à la maison forestière du Lion, je constate que j'aurais pu quitter la plage à cet endroit, 5 à 6 km avant Lacanau, la marée n'étant pas encore trop haute.
A
cet endroit, la côte est vraiment toute proche et on retrouve cette
végétation de pins poussant au ras du sol, qui laisse place à des
quantités d'arbres morts aux allures tourmentées, sorte de gibets
sur lesquels ne manquent plus que quelques corbeaux.

Un
peu plus loin je découvre cette «cabane» en deux parties, faite de
branches et feuillage, qui aurait pu abriter un agréable bivouac,
toutefois je veux poursuivre jusqu'à Lacanau pour refaire mon
approvisionnement en ce samedi soir, car je ne suis pas certain de
trouver un commerce d'alimentation ouvert dimanche matin.
Lacanau,
paradis des surfeurs sur cette partie de la côte atlantique, est la
station la plus importante entre le bassin d'Arcachon et la pointe de
Grave, j'y arrive par le sud, longe les premières rues désertes,
arrive vers des immeubles plus conséquents où je croise quelques
personnes, un Carrefour Market est signalé un peu plus loin, c'est
parfait pour faire le plein pour les deux jours suivants.
A
la sortie du magasin, je donne la pièce à un gars qui fait la
manche assis là à l'entrée accompagné de ses deux chiens et
m'assois sur mon sac à dos pour discuter avec lui. En général, je
fais comme beaucoup de personnes, hélas, et passe mon chemin sans le
regarder, mais aujourd'hui je me sens d'une certaine façon SDF, je
suis sur la route moi aussi, moi surtout, en effet alors que je
m'étonne de le voir faire la manche dans un endroit aussi peu
fréquenté en cette saison, il me dit avoir une chambre à Lacanau
et qu'il aura un travail à la prochaine saison ici, la manche et
quelques travaux de jardinage chez des retraités lui permettent
d'arrondir son RSA et de patienter jusqu'au mois d'avril.
Je
vois qu'ici, contrairement peut être à certaines grandes villes,
les gens sont plutôt généreux, durant le temps où je suis resté
et malgré la très faible fréquentation du magasin, il reçoit
plusieurs pièces, quelqu'un lui file ses cigarettes, une dame en
sortant lui remet un petit billet et sa petite fille un sac de
croquettes pour les chiens, il commence a être connu et respecté
ici. On parle de randonnée et j'apprends qu'il a parcouru en vélo
avec une carriole une partie de l'Italie et de la Suisse, accompagné
de ses chiens, à son rythme, dégagé de toute contrainte.
Les
apparences sont souvent trompeuses, les «bonnes gens» se méfient
de ce genre «d'individus», ce qui me ramène quelques années en
arrière, encore une fois au temps de la gabare lorsqu'on effectuait
le carénage annuel aux chantiers Tramasset, association qui
réinsérait des jeunes en difficultés, échecs divers, drogue,
etc... mais tous plutôt sympathiques, parmi eux il y en eut même
deux qui devinrent de vrais copains, une allure à faire peur aux
mamies, mais en réalité des anges.
C'est
le bon côté de partir en randonnée à cette saison, on croise peu
de monde, sauf en ville, mais on a droit à quelques rencontres
inhabituelles.
Je
suis surpris en débouchant sur la rue principale qui traverse
Lacanau, d'y voir un nombre conséquent de véhicules, on pourrait se
croire quelques mois plus tard en début de saison, boutiques de
fringues, restos, bars, manège et cabane à chichis sont ouverts, il
y a foule sur le front de mer, la tempête a attiré les curieux ce
samedi après midi, venus admirer l'océan et ses lames qui déferlent
et se brisent sous leurs yeux. Les appareils photos sont de sortie,
il y a même une petite équipe de télé régionale qui réalise un
sujet sur la dernière tempête.
Je
commence à penser à ma prochaine nuit et après renseignements
auprès de la météo, je suis heureux d'apprendre que cette nuit
sera claire, sans pluie et sans vent, incroyable.
Je
décide aussitôt de passer enfin une première nuit dans les dunes,
je quitte la foule du front de mer et poursuis ma route au nord dans
un chemin forestier sur 2 km environ pour être loin de la station,
avant de filer vers la plage. J'aurai parcouru 27 km aujourd'hui.
Quelques
minutes plus tard je me trouve en haut de la dune avec vue sur
l'océan et tout au loin Lacanau, ce soir je délaisse la tente et
n'installe que le matelas et le duvet dans le sursac, mon petit diner
se fera face au soleil couchant derrière la dune, la nuit vient
vite, réfugié au chaud dans mon duvet je peux contempler à loisir
la voute céleste.
Ce
soir j'ai la tête dans les étoiles, situation propice à tous les
rêves, porte ouverte vers l'infini, j'ai envie d'un télescope pour
admirer ce qui est sans doute le plus fabuleux spectacle qu'on puisse
observer, tan-pis je me contenterai de l'imaginer.
Et
puis je m'endors tardivement en pensant à un petit extra terrestre,
il y en a sans aucun doute, qui lève peut être les yeux dans son
ciel et aperçoit en ce moment tout là bas au fond de l'univers une
petite étoile, notre soleil.
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